
Depuis son indépendance en 1804, Haïti n’en est pas à son premier changement de Constitution. Le pays a connu plusieurs textes fondamentaux, chacun reflétant les contextes politiques, les ambitions des dirigeants et les tensions sociales du moment. De la première Constitution impériale de Dessalines en 1805 à celle de 1987, chaque révision a suscité des débats et, souvent, des controverses.
La Constitution de 1806, rédigée après l’assassinat de Dessalines, a marqué une fracture entre le Nord et le Sud, divisant le pays en deux gouvernances distinctes. Plus tard, en 1843, une nouvelle Constitution est adoptée sous l’impulsion des républicains, mettant fin à la concentration du pouvoir. La Constitution de 1918, imposée sous l’occupation américaine, illustre une autre période de bouleversement, où les principes de souveraineté nationale ont été largement remis en question.
Le texte de 1987, adopté après la chute de Duvalier, est sans doute le plus emblématique des réformes modernes. Fruit d’une volonté de démocratisation et de décentralisation, il a longtemps été considéré comme une référence en matière de libertés fondamentales et de garanties démocratiques. Cependant, plusieurs tentatives de modification ont été entreprises, notamment sous les présidences de René Préval et Jovenel Moïse, souvent accompagnées de vives contestations.
L’avant-projet de Constitution de 2025 s’inscrit dans cette longue tradition de changements. À l’instar des réformes précédentes, il introduit des transformations majeures : la suppression des CASEC, l’instauration de gouverneurs départementaux, la révision des règles d’éligibilité des parlementaires et la restriction des droits politiques de la diaspora. Comme en 1843 et en 1987, le projet soulève des inquiétudes quant à la concentration du pouvoir et au risque d’une gouvernance autoritaire.
Les critiques fusent, et les acteurs politiques dénoncent une réforme qui pourrait affaiblir les institutions démocratiques et exacerber les tensions déjà existantes. Certains y voient une tentative de recentralisation du pouvoir entre les mains d’un exécutif renforcé, rappelant les dérives du passé.
Ainsi, Haïti, fidèle à son histoire constitutionnelle mouvementée, se retrouve une fois de plus à un tournant décisif. La question demeure : ce nouveau changement apportera-t-il stabilité et progrès, ou plongera-t-il le pays dans une nouvelle crise institutionnelle ?
La Rédaction