Journalisme à vendre : la fin d’un contre-pouvoir, l’enveloppe de la honte

Dans une salle climatisée d’un grand hôtel de la capitale, la conférence de presse s’achève. Les intervenants ont terminé leur discours, les caméras sont éteintes, les micros rangés. Mais une scène familière se déroule aussitôt après : une file discrète se forme, composée de journalistes pourtant censés incarner la conscience critique de la nation. Ils attendent leur “enveloppe“, ce petit billet glissé à la main, cette transaction muette qui souille un métier fondé sur la vérité.

C’est un secret de polichinelle : dans de nombreux pays en crise démocratique, y compris en Haïti, la presse, pourtant pilier essentiel de toute démocratie, est rongée par des pratiques qui la discréditent. Ce qui devrait être un service public d’information devient parfois un théâtre de compromission. Ce ne sont plus les faits qui guident la plume, mais les fonds.

Cette pratique, qu’on appelle pudiquement « per diem », est en réalité une forme de corruption déguisée. Elle transforme la mission d’informer en un service commandé. Un journaliste qui reçoit de l’argent après une conférence n’est plus un observateur indépendant : il devient complice, s’il ne se transforme pas en porte-parole. Résultat : les sujets qui fâchent sont tus, les vérités dérangeantes maquillées, les dérives du pouvoir étouffées.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que les conditions de travail des journalistes sont souvent précaires, les rédactions mal financées, et la survie du métier dépend parfois de ces “offres” informelles. Mais peut-on justifier une faute morale par une nécessité économique ? La question dérange, mais elle doit être posée.

Le journalisme, quand il est corrompu, devient un instrument au service de ceux qu’il devrait surveiller. Il trahit la population, dévoie l’information, et affaiblit la démocratie. Les citoyens ne peuvent plus faire confiance à une presse achetée. Et sans confiance, le journalisme meurt.

Il est urgent de refuser cette normalisation du silence acheté. Urgent que les journalistes eux-mêmes dénoncent ces pratiques et réhabilitent leur métier. Urgent que les écoles de journalisme enseignent l’éthique autant que la technique. Et surtout, urgent que les médias trouvent des modèles économiques indépendants qui libèrent l’information de l’argent politique ou privé.

Un journalisme digne ne se vend pas,il se bat Pour la vérité,pour le public et Pour l’Histoire.