Quatre ans après le magnicide de Jovenel Moïse, un deuil national sans verdict

Une messe de requiem a été célébrée au Palais national en mémoire du président Jovenel Moïse, assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. En présence du Conseil présidentiel de transition (CPT), du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, de membres du gouvernement et de représentants des institutions, la cérémonie s’est déroulée dans un climat de recueillement et de solennité. L’État haïtien a ainsi voulu réaffirmer son attachement aux valeurs républicaines, malgré les profondes fractures qui persistent autour de cet assassinat.

Le président Moïse a été tué à son domicile privé de Pèlerin 5 par un commando armé composé majoritairement d’anciens militaires colombiens et de ressortissants haïtiano-américains. L’opération, menée avec une précision troublante, a mis en lumière de graves défaillances dans le dispositif de sécurité présidentielle. Son épouse, Martine Moïse, grièvement blessée, a survécu à l’attaque. L’identité des commanditaires reste à ce jour entourée de zones d’ombre.

Sur le territoire haïtien, plus de 40 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête, parmi lesquelles des membres de la sécurité présidentielle, des policiers, des hommes d’affaires et des étrangers. L’instruction du dossier a été marquée par une instabilité chronique : cinq juges se sont succédé avant que le magistrat Walter Wesser Voltaire ne soit désigné en mai 2022 pour reprendre l’enquête. Plusieurs de ses prédécesseurs se sont déportés, invoquant des menaces ou un manque de moyens.

Le juge Voltaire a rendu en janvier 2024 une ordonnance d’inculpation visant 51 personnes, dont plusieurs proches du président défunt. Parmi les inculpés figurent l’ancienne Première dame Martine Moïse, l’ex-Premier ministre Claude Joseph, l’ancien directeur général de la police Léon Charles, ainsi que des membres de la garde présidentielle. Tous sont renvoyés devant le tribunal criminel sans assistance de jury. Cette ordonnance est actuellement contestée devant la Cour d’appel de Port-au-Prince.

En parallèle, la justice américaine a avancé de manière plus structurée. À ce jour, six personnes ont été condamnées aux États-Unis, dont l’ancien sénateur haïtien John Joël Joseph et l’homme d’affaires Rodolphe Jaar, tous deux condamnés à la prison à vie. Cinq autres accusés, dont le chef de la société de sécurité CTU, Antonio Intriago, attendent leur procès prévu pour mars 2026 en Floride.

Le contraste entre du système haïtien alimente un profond malaise dans l’opinion publique. Alors que les cérémonies officielles se succèdent, la quête de vérité reste inachevée. L’absence de procès en Haïti, quatre ans après les faits, renforce le sentiment d’impunité et d’injustice dans une société déjà fragilisée par la violence et l’effondrement institutionnel.

La messe de requiem, bien que symbolique, n’a pas suffi à apaiser les interrogations. Pour de nombreux citoyens, la mémoire de Jovenel Moïse ne pourra être honorée pleinement que lorsque justice sera rendue — de manière équitable, transparente et indépendante. En attendant, le dossier reste un miroir des failles de l’État haïtien et des défis immenses qui pèsent sur sa reconstruction démocratique.

La Rédaction