
Le 7 juillet 2025, à l’occasion du quatrième anniversaire de l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, son fils aîné, Joverlein Moïse, a accordé une interview à l’animateur Guy Wewe. Diffusée en direct sur YouTube, cette prise de parole rare dresse un portrait politique, personnel et critique du mandat présidentiel de son père ainsi que des circonstances qui ont conduit à sa mort.
Dès les premières minutes, Joverlein qualifie la mort de son père de « sacrifice » qu’il avait pressenti dès l’été 2015. Selon lui, il avait averti Jovenel Moïse que le poste de président, bien que symbolique, ne lui offrirait pas de contrôle réel sur les leviers du pouvoir. Il évoque une structure étatique où les limites institutionnelles empêchent toute réforme significative sans l’accord des secteurs dominants.
Il revient sur les tensions entre le président et les groupes liés au monopole de l’électricité. Joverlein indique que son père s’était engagé dans un projet d’électrification 24/24 pour le pays. À cet effet, des offres financières auraient été faites pour qu’il abandonne l’idée : deux millions de dollars par mois pendant la campagne, puis six millions une fois élu. Selon lui, les fournisseurs d’électricité auraient promis de tout mettre en œuvre — campagnes médiatiques, raréfaction du carburant, mobilisation d’artistes, et même sacrifice personnel — pour bloquer ce projet.
Il situe le début de l’effritement de la popularité de Jovenel Moïse en juillet 2018, époque à laquelle certaines personnes auraient décidé qu’il ne devait plus s’exprimer publiquement. Selon Joverlein, son père a progressivement été présenté comme une figure déconnectée du peuple, vivant dans l’aisance et exploitant les ressources du pays au détriment des citoyens. Il affirme que cette perception a été orchestrée pour isoler politiquement le président.
Joverlein décrit ensuite les ruptures successives entre son père et plusieurs secteurs clés, notamment le parti politique PHTK, une partie de la classe politique, ainsi que le secteur économique. Il souligne que ces tensions se sont intensifiées lorsqu’il a voulu honorer ses promesses envers la population, conduisant notamment au mouvement de « peyi lòk » qui a paralysé le pays.
Il indique que son père était pris dans un dispositif où il ne contrôlait ni ses mouvements ni ses décisions. Durant les premières années de mandat, il aurait dû suivre des directives précises concernant les contrats à signer, les individus à employer, et les discours à prononcer. Jovenel aurait commencé à se libérer, notamment lorsqu’il annonça, lors de l’inauguration du barrage Marion, qu’il n’avait pas de candidat pour lui succéder.
Selon Joverlein, plusieurs groupes, tant nationaux qu’internationaux, souhaitaient la disparition de Jovenel Moïse. Il estime que cette convergence d’intérêts a facilité l’exécution de l’assassinat. Il critique également l’approche des autorités américaines, affirmant qu’elles ne cherchent pas à identifier les auteurs intellectuels ni les financiers du crime, mais uniquement à statuer sur les faits liés à leur territoire.
Il revient enfin sur les heures ayant suivi l’assassinat. Alors qu’il tentait de se réfugier à l’ambassade américaine, son véhicule aurait été pris pour cible. Malgré son passeport diplomatique et la présence de son jeune fils, il affirme avoir attendu de 4h à 14h sans être reçu. Cet épisode, selon lui, symbolise le sentiment d’isolement et d’abandon ressenti par sa famille ce jour-là.
Joverlein Moïse appelle les responsables de la crise haïtienne à demander pardon à la population. Il regrette que quatre ans après les faits, le pays soit toujours dirigé par un gouvernement de transition sans résultats concrets et sans avancées judiciaires significatives dans l’enquête sur l’assassinat de son père.
La Rédaction