
La fracture entre la population haïtienne et une classe politique discréditée n’a jamais été aussi visible. L’incident survenu hier vendredi à l’hôtel El Rancho, où l’ancien sénateur et leader politique Moïse Jean-Charles a été violemment pris à partie par un groupe d’individus en colère, illustre un climat explosif et un désaveu populaire de plus en plus assumé.
L’hôtel El Rancho, situé à Pétion-Ville, a souvent été le théâtre de rencontres diplomatiques et politiques. Mais ce vendredi, la scène a été tout autre : insultes, cris, puis coups. Moïse Jean-Charles, figure connue pour son discours souverainiste et ses critiques virulentes contre les élites économiques et politiques, a été bousculé et frappé par des individus visiblement excédés.
Selon plusieurs témoins, la tension est montée dès son arrivée. Certains l’accusaient de « trahison » et de « double discours », évoquant ses dernières prises de position jugées ambiguës face aux crises actuelles.
Cet incident n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte où la population manifeste une colère grandissante contre une classe politique accusée d’opportunisme, d’incohérence et de compromissions. Les réseaux sociaux se sont rapidement enflammés, certains condamnant la violence physique, d’autres la justifiant comme un « retour de flamme » face aux promesses non tenues.
Le terme de « classe politique discréditée » traduit désormais la perception populaire d’élites politiques accusées de se laisser infiltrer par les intérêts économiques et étrangers, au détriment des revendications populaires.
Depuis des années, les Haïtiens observent une succession de gouvernements et de dirigeants incapables de répondre aux urgences du pays : insécurité galopante, crise humanitaire, effondrement économique. Dans ce vide institutionnel, même les figures d’opposition les plus radicales voient leur capital de sympathie s’éroder.
L’agression contre Moïse Jean-Charles, bien que condamnable, est le symptôme d’une rupture profonde : les leaders politiques ne sont plus considérés comme des porte-paroles légitimes du peuple, mais comme des acteurs d’un jeu fermé, déconnecté de la souffrance quotidienne.
Cet incident devrait servir d’alerte à toute la classe politique : la tolérance populaire est à bout de souffle. Les discours ne suffisent plus, la rue réclame des actes concrets, de la transparence et un engagement réel. Sans cela, le divorce entre le peuple et ses dirigeants ne fera que s’élargir, ouvrant la voie à plus de violences, d’instabilité et de chaos.
Ce n’est pas la première fois qu’un dirigeant politique est confronté à la colère populaire. Il y a quelques mois, André Michel, autre figure de l’opposition, avait lui aussi été hué et empêché de s’exprimer en public, accusé par une partie de la population d’avoir trahi ses engagements. Ces épisodes, désormais fréquents, montrent que la rue ne fait plus de distinction : tout leader jugé déconnecté ou compromis s’expose à la sanction directe et brutale du peuple.