L’Association Militaire d’Haïti (AMIDH) a récemment adressé une lettre officielle au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), demandant l’expulsion de l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, Dennis Bruce Hankins. Cette demande survient suite à des accusations d’« ingérence » dans les affaires internes du pays, de « violations de la souveraineté nationale » et de liens présumés avec des gangs criminels.
Dans sa correspondance, l’AMIDH accuse l’ambassadeur Hankins de s’immiscer dans les affaires internes d’Haïti, en violation de la Convention de Vienne de 1961 qui régit les relations diplomatiques entre les États. L’association pointe spécifiquement les articles 41 et 9 de cette convention, lesquels exigent le respect de la souveraineté de l’État hôte et limitent les activités diplomatiques à des fonctions officielles.
Selon l’AMIDH, l’ambassadeur américain aurait outrepassé ces limites par des déclarations publiques jugées « provocatrices » et par des rencontres non autorisées avec des figures influentes du milieu politique et sécuritaire haïtien.
Accusations de liens avec des gangs criminels
L’une des accusations les plus graves formulées par l’AMIDH concerne des allégations selon lesquelles l’ambassadeur Hankins aurait entretenu des relations avec des criminels recherchés par la Police nationale d’Haïti. La lettre cite des « intelligences, rencontres, consultations et partages d’informations » qui impliqueraient directement l’ambassadeur dans des activités contraires aux lois haïtiennes, notamment aux articles 45, 206, 225, et 227 du Code pénal haïtien.
L’association affirme détenir des preuves, notamment une déclaration de Hankins lors de son passage à l’émission “Le Point” sur Radio Télé Métropole le 24 octobre 2024, où il aurait reconnu des liens avec certains gangs. Ces accusations sont renforcées par la publication d’une photo montrant une rencontre présumée entre Hankins et Jimmy Cherisier, alias “Barbecue”, chef du gang Viv Ansanm.
Démenti de l’ambassade des États-Unis
Face à ces allégations, l’ambassade des États-Unis en Haïti avait rapidement réagi via un message publié sur la plateforme X. Le message dément catégoriquement toute rencontre entre l’ambassadeur Hankins et des membres de gangs haïtiens. « L’ambassadeur Hankins n’a jamais rencontré Jimmy Cherisier ni aucun membre de gang haïtien », a déclaré la mission diplomatique américaine, dénonçant la diffusion de la photo comme une manipulation.
Pour justifier sa demande d’expulsion, l’AMIDH a rappelé plusieurs incidents récents, comme la présence non autorisée de l’ambassadeur Hankins au Ministère de la Défense haïtienne le 1er juillet 2024, ainsi que des propos tenus sur Radio Métropole le 26 juillet, où il aurait prédit des poursuites judiciaires contre des membres du CPT. L’association accuse également Hankins d’avoir exercé des pressions sur l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) pour publier un rapport compromettant trois conseillers du CPT.
L’AMIDH va encore plus loin en dénonçant l’influence grandissante de certains lobbys internationaux en Haïti. Elle accuse, entre autres, Helen Meagher La Lime, ancienne cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), d’avoir soutenu indirectement la fédération des gangs, exacerbant l’insécurité dans le pays.
L’association critique aussi le “programme Biden” en place depuis 2022, l’accusant d’affaiblir les capacités de réponse du gouvernement haïtien en encourageant la fuite des compétences locales, un facteur aggravant selon elle la crise sécuritaire et humanitaire actuelle.
Pas encore de réaction du côté du CPT
Jusqu’à présent, le Conseil Présidentiel de Transition n’a pas encore répondu officiellement à cette lettre reçue le 6 novembre. L’AMIDH demande au CPT de déclarer l’ambassadeur Hankins “Persona Non Grata”, avec un délai de 72 heures pour quitter le territoire haïtien.
Dans un contexte déjà marqué par une instabilité politique croissante et une violence généralisée exacerbée par la présence de groupes armés, la demande d’expulsion d’un ambassadeur américain d’Haïti pourrait marquer un tournant significatif dans les relations bilatérales entre les deux nations.