L’ancien sénateur Jean Charles Moïse, leader du parti « Pitit Dessalines », s’impose à nouveau sur la scène politique haïtienne en attaquant le Conseil présidentiel de transition (CPT). Vendredi 3 janvier 2025, lors d’une intervention sur Magik9, il a lancé un ultimatum aux conseillers présidentiels, exigeant des réformes immédiates sous peine de dissoudre le conseil et de se tourner vers la Cour de cassation. Cette sortie publique marque un tournant dans ses relations avec le CPT, une institution qu’il avait pourtant soutenue à ses débuts.
Au centre de la fronde de Moïse se trouve le traitement réservé au ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR), qu’il dirige dans le cadre d’un partage de responsabilités. Avec un budget de seulement 20 millions de gourdes, ce ministère fait pâle figure face à d’autres portefeuilles bénéficiant d’allocations allant de 200 à 700 millions.
Cette frustration s’inscrit dans un climat de tensions plus large, où Moïse Jean Charles accuse Fritz Alphonse Jean, conseiller présidentiel influent, de saboter des réformes majeures, notamment à la Banque nationale de crédit (BNC). Semble-t-il que ce dernier bloque l’installation d’un nouveau conseil d’administration qui serait favorable à son parti.
Corruption et jeux de pouvoir : des accusations en cascade
Le climat politique est alourdi par des accusations de corruption visant trois conseillers présidentiels, dont Emmanuel Vertilaire, représentant de « Pitit Dessalines » au CPT. Jean Charles Moïse rejette catégoriquement ces inculpations, qu’il qualifie de « manœuvre politique destinée à affaiblir le parti ». Il a également critiqué l’intervention de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), tout en appelant au respect des procédures judiciaires.
Pour Moïse Jean Charles, ces accusations reflètent une instrumentalisation politique visant à marginaliser certains membres du CPT, tandis que d’autres continuent de consolider leur influence. « Ces conseillers, aujourd’hui accusés, étaient pourtant au cœur des décisions stratégiques lorsque l’objectif commun était de renverser le Premier ministre Garry Conille. Pourquoi les isoler maintenant ? » s’est-il interrogé.
De soutien à adversaire : le revirement stratégique de Moïse
La volte-face de Moïse vis-à-vis du CPT n’est pas une première dans son parcours politique. En février 2024, il s’était allié à l’ex-chef rebelle Guy Philippe pour renverser Ariel Henry, avant de rompre cette alliance pour intégrer le CPT. Aujourd’hui, son ultimatum et ses critiques à l’encontre de ce conseil traduisent une nouvelle inflexion stratégique, perçue par certains comme un repositionnement motivé par des intérêts partisans.
Selon plusieurs observateurs, cette opposition ne reflète pas une volonté sincère de réforme nationale, mais plutôt une tentative de renforcer son influence politique. En Haïti, la quête de contrôle des ressources publiques l’emporte bien souvent sur les préoccupations d’intérêt général.
Jean Charles Moïse ne se contente pas de discours. Dans le Nord, il mobilise déjà ses partisans, laissant planer la menace d’une confrontation populaire si ses revendications ne sont pas prises en compte.
Pour beaucoup, cette mobilisation dépasse le simple enjeu budgétaire du MARNDR. Elle illustre une lutte acharnée pour le contrôle des leviers politiques et économiques d’un pays plongé dans une crise chronique.
Ainsi, la crise actuelle au CPT pourrait marquer une étape cruciale dans les recompositions politiques à venir. Mais, comme toujours en Haïti, ces affrontements internes risquent de perpétuer l’instabilité et d’éloigner encore un peu plus les solutions durables dont le pays a tant besoin.