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Lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, le 15 février 2025, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation en Haïti. Il a souligné l’impératif d’identifier les véritables commanditaires du climat de violence qui ravage le pays et a insisté sur la nécessité de retracer les circuits financiers qui alimentent les groupes armés.
« Il est évident que certains intérêts particuliers profitent du maintien de cette instabilité. Nous devons enquêter, suivre l’argent et tenir les responsables pour comptables de cette situation », a-t-il déclaré.
L’ONU dénonce une tragédie humanitaire qui s’aggrave malgré les tentatives de contrôle. Si un embargo sur les armes a été décrété, les gangs demeurent mieux équipés que les forces de l’ordre, mettant en évidence l’inefficacité des mesures en place.
Un trafic d’armes incontrôlable
Le constat est accablant : Haïti ne produit pas d’armes, et pourtant, les gangs disposent d’un arsenal toujours plus sophistiqué. Volker Türk a pointé du doigt la provenance des armes, principalement des États-Unis, avec des voies de transit via la République dominicaine.
« Ceux qui orchestrent et bénéficient de ce trafic doivent être identifiés et arrêtés », a-t-il martelé.
Les chiffres fournis par l’ONU illustrent l’ampleur du désastre : en 2024, au moins 5 626 personnes ont été tuées par des gangs, soit 1 000 victimes de plus qu’en 2023. À cela s’ajoutent 2 213 blessés et 1 494 enlèvements, un bilan qui témoigne de la montée en puissance des criminels.
Face à cette insécurité endémique, Haïti est désormais qualifié d’« État en faillite ». Arnoldo André, ministre costaricien des Affaires étrangères, a souligné l’ampleur de l’exode haïtien vers l’Amérique centrale, provoqué par l’effondrement des structures sociales et sécuritaires du pays.
La République dominicaine, voisine directe d’Haïti, subit également les répercussions de cette crise. L’afflux massif de réfugiés et la menace transfrontalière pèsent lourdement sur ses capacités d’accueil et de contrôle des frontières. Malgré le soutien international, notamment du Kenya et du Salvador, les initiatives onusiennes peinent à produire des résultats tangibles.
« À ce jour, aucun progrès concret n’a été obtenu », a regretté Arnoldo André, illustrant ainsi l’inefficacité des stratégies mises en place.
L’influence des élites économiques haïtiennes
Si les gangs sont en première ligne des violences, ils ne sont pas les seuls acteurs de cette crise. Erika Mouynes, ancienne ministre des Affaires étrangères du Panama, a mis en lumière le rôle des élites économiques haïtiennes, notamment celles établies à Miami et dans certaines zones pétrolières.
« Ces individus voyagent librement en avion, et derrière cette violence, il y a toujours des intérêts financiers. Quelqu’un en profite », a-t-elle dénoncé.
Par ailleurs, les transferts de fonds de la diaspora haïtienne, qui constituent l’une des principales sources de revenus du pays, suscitent des interrogations quant à leur utilisation et leur éventuelle récupération par les réseaux criminels.
Pendant que la communauté internationale débat de la situation, le terrain continue de s’embraser. Cette semaine, les gangs ont incendié l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti, à Port-au-Prince, renforçant leur mainmise sur la capitale. Actuellement, près de 90 % de la ville est sous leur contrôle.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) rapporte que plus d’un million d’Haïtiens sont déplacés, dont plus de la moitié sont des enfants. Un chiffre alarmant qui illustre l’ampleur du drame humanitaire.
Les appels à l’action se multiplient, mais les mesures concrètes tardent à voir le jour. Si l’ONU et plusieurs États affichent leur volonté de combattre les gangs et leurs soutiens, la traque des financiers et des réseaux de corruption demeure un défi colossal.
Sans une stratégie efficace pour s’attaquer aux sources de financement et aux complicités politiques et économiques, le chaos en Haïti risque de perdurer. Des millions de citoyens restent ainsi pris en otage par l’insécurité et l’instabilité, tandis que les véritables commanditaires continuent d’agir en toute impunité.