
Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a rendu public, le vendredi 28 février 2025, un rapport détaillé mettant en lumière une série de massacres perpétrés par des gangs criminels dans le département de l’Ouest d’Haïti au cours des trois derniers mois. Ces actes de violence ont coûté la vie à au moins 269 personnes, plongeant le pays dans un climat de terreur et d’impunité. Les localités de Wharf Jérémie, Kenscoff et Chateaublond ont été particulièrement touchées, révélant l’incapacité des autorités à protéger la population civile.
Wharf Jérémie : un massacre orchestré par des croyances surnaturelles
Dans la commune de Cité Soleil, le quartier de Wharf Jérémie a été le théâtre d’un massacre les 7 et 8 décembre 2024. Selon le rapport du RNDDH, au moins 110 personnes âgées de 60 à 80 ans ont été tuées sur ordre de Monel Félix, alias Micanor, un chef de gang local. Ce dernier aurait agi après qu’un houngan (prêtre vaudou) lui ait affirmé que la maladie de son fils de 6 ans, Benson Altes, était d’origine surnaturelle. Cette explication, aussi tragique qu’insensée, illustre l’emprise des croyances et la brutalité des gangs sur les communautés vulnérables.
Kenscoff : une attaque territoriale aux conséquences dramatiques
La commune de Kenscoff, située à plus de 1 500 mètres d’altitude, a subi une vague de violence les 27, 28 et 29 janvier 2025. Les hommes de Johnson André, alias Izo, membre de la coalition de gangs Viv Ansanm, ont lancé une attaque pour étendre leur contrôle territorial. Le bilan est accablant : 139 personnes ont été tuées, neuf autres sont portées disparues, et des centaines de familles ont été déplacées. Parmi les victimes figure un bébé de deux mois, arraché des bras de sa mère, Eliana Thélémaque, et brûlé vif par les assaillants. Cet acte de barbarie a provoqué une vague d’indignation à travers le pays.
Les localités de Belot, Bwa Majò, Bongard, Kafou Bèt et Chauffard ont été particulièrement touchées, laissant derrière elles des scènes de désolation. Malgré l’ampleur des violences, les gangs occupent toujours plusieurs quartiers de Kenscoff, témoignant de l’impuissance des forces de l’ordre à rétablir la sécurité.
Chateaublond : une attaque punitive meurtrière
Le 16 février 2025, la localité de Chateaublond, située à Frères dans la commune de Pétion-Ville, a été le théâtre d’une attaque punitive menée par Stanley Jean-Philippe et son gang, Kraze Baryè. Cette attaque visait à venger la mort du père de Stanley, tué la veille par des policiers. Plus d’une vingtaine de personnes ont perdu la vie, et une fillette de 10 ans a été violée. Les assaillants ont également incendié plusieurs voitures, semant la panique parmi les habitants.
Des recommandations urgentes pour faire face à la crise
Face à ces atrocités, le RNDDH dénonce l’inefficacité des stratégies mises en place par la police nationale pour lutter contre l’insécurité. L’organisme souligne que les Forces armées d’Haïti (FADH) sont marginalisées et manquent de moyens pour intervenir, tandis que la mission multinationale déployée dans le pays peine à s’imposer face au grand banditisme.
Le RNDDH formule plusieurs recommandations pour répondre à cette crise :
Assistance aux victimes : Les autorités politiques doivent fournir une aide financière, médicale et psychologique aux populations affectées par ces tragédies.
Rétablissement de la sécurité** : La police nationale doit tout mettre en œuvre pour rétablir l’ordre dans le département de l’Ouest.
Justice et responsabilité: Les autorités judiciaires doivent traquer, juger et condamner les criminels responsables de ces atrocités.
En outre, le RNDDH appelle le Conseil présidentiel de transition (CPT) à renoncer aux fonds alloués à l’intelligence au profit des forces de l’ordre. Selon un rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) d’octobre 2024, un montant mensuel de 25 millions de gourdes est alloué à chaque conseiller-président pour des frais d’intelligence, malgré des résultats dérisoires. Cette réallocation des ressources pourrait renforcer les capacités opérationnelles des forces de sécurité.
Une urgence humanitaire et sécuritaire
Les massacres de Wharf Jérémie, Kenscoff et Chateaublond révèlent une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent en Haïti. Les gangs criminels, en pleine expansion, agissent en toute impunité, tandis que les autorités semblent dépassées par l’ampleur des défis. Les recommandations du RNDDH offrent une feuille de route pour répondre à cette crise, mais leur mise en œuvre nécessite une volonté politique forte et une coordination internationale accrue. Sans action décisive, la population haïtienne continuera de payer un lourd tribut à la violence et à l’instabilité.
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