
La Mission de Soutien Multinational à la Sécurité (MSS) a érigé la protection des infrastructures nationales haïtiennes en priorité absolue. Officiellement, l’objectif est de sécuriser des actifs stratégiques tels que l’Aéroport International Toussaint Louverture, les ports, les hôpitaux et les écoles. Pourtant, derrière cette initiative de stabilisation, plusieurs interrogations émergent quant aux réels enjeux de cette présence accrue autour du port de l’APN. La mise en place d’une Base Opérationnelle Avancée (FOB) pourrait bien être perçue comme une consolidation militaire sous prétexte de protection économique.
Si la MSS affirme agir en concertation avec la Police Nationale d’Haïti (PNH) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), cette coordination soulève des questions sur la souveraineté du pays. La sécurisation du port de l’APN—névralgique pour le commerce et l’aide humanitaire—sert certes à empêcher son contrôle par des groupes armés, mais dans quelle mesure renforce-t-elle l’autorité de l’État sans accentuer une dépendance vis-à-vis de forces étrangères ?
La modernisation du port est essentielle, mais elle ne peut se faire au détriment d’une gouvernance réellement autonome et d’un renforcement institutionnel haïtien. L’enjeu dépasse la simple protection du port : il s’agit d’une redéfinition du contrôle territorial.
L’installation d’un FOB dans une infrastructure aussi stratégique est une décision aux implications profondes. S’il est crucial d’assurer un flux commercial sécurisé, il faut également veiller à ce que cette présence militaire temporaire ne devienne une occupation prolongée, limitant la capacité de l’État haïtien à reprendre pleinement les rênes.
La sécurité ne doit pas masquer un processus d’ingérence extérieure, et toute mesure doit être soumise à un contrôle transparent des autorités locales et de la société civile.
En définitive, l’établissement d’un FOB au sein du port de l’APN doit être analysé à la lumière des précédentes interventions étrangères en Haïti. L’histoire du pays montre que les missions de stabilisation ont souvent laissé des traces de dépendance politique et économique.
Une vraie réforme sécuritaire devrait viser à renforcer les institutions locales, plutôt qu’à installer des infrastructures sous commandement externe dont la durée et l’impact restent incertains.
La Rédaction