
La récente polémique autour des nominations excessives dans les ambassades haïtiennes met en lumière une gestion diplomatique chaotique et une absence flagrante de rigueur dans le choix des représentants du pays à l’étranger. Fritz Alphonse Jean, coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT), s’érige aujourd’hui en dénonciateur de ces pratiques, affirmant avoir tenté de s’y opposer. Pourtant, son rôle au sein de l’appareil étatique et ses propres décisions questionnent la sincérité de son indignation.
Si Fritz Jean critique ouvertement les nominations pléthoriques effectuées par le ministère des Affaires étrangères, il omet de reconnaître que ces dérives sont le prolongement d’une gestion laxiste dont il est lui-même partie prenante. En tant que figure influente du CPT, il dispose d’un poids considérable dans les orientations du pays et, à ce titre, ne peut se soustraire aux responsabilités qui lui incombent. Son refus ponctuel de certaines nominations ne saurait masquer sa participation à une gouvernance où les logiques de favoritisme et d’impunité prévalent.
Le recrutement de diplomates sans qualification, dénoncé par Fritz Jean, illustre une gestion partisane où l’intérêt national est relégué au second plan. Toutefois, au sein du CPT, les mêmes mécanismes de nomination controversés ont été maintenus, et plusieurs personnalités recommandées par ses collègues ont été intégrées à la diplomatie sans critères de compétence avérés. Accuser le ministère des Affaires étrangères sans questionner les pratiques du Conseil présidentiel revient à détourner l’attention des causes profondes du problème.
Loin d’être un observateur neutre, Fritz Jean joue un rôle actif dans la structuration politique actuelle du pays. Il a été impliqué dans plusieurs décisions majeures qui ont contribué au dysfonctionnement de l’administration haïtienne, notamment en matière de gestion institutionnelle. Son refus d’organiser des Conseils des ministres, évoqué dans son entretien avec Le Nouvelliste, montre une stratégie où l’immobilisme est présenté comme une forme de résistance, mais dont les conséquences sur l’État restent désastreuses.
Alors qu’il critique les choix du ministère des Affaires étrangères, Fritz Jean ne remet pas en question les recommandations effectuées par ses propres collègues du CPT, qui sont directement impliqués dans ces nominations massives. La révélation selon laquelle certains membres influents du Conseil ont personnellement appuyé la sélection de la majorité des nouveaux diplomates fragilise sa posture de dénonciateur. Le fonctionnement interne du CPT et sa gestion des nominations diplomatiques mériteraient un examen tout aussi sévère.
Cette tentative de dédouanement s’inscrit dans une dynamique politique où les discours se veulent moralisateurs sans que les actes suivent. La diplomatie haïtienne, victime de ces jeux d’influence, peine à retrouver sa crédibilité alors même que le pays a besoin de partenaires solides et de représentants compétents pour défendre ses intérêts à l’international. En pointant du doigt le ministère des Affaires étrangères sans examiner son propre rôle, Fritz Jean entretient une vision tronquée de la crise diplomatique actuelle.
Si la dénonciation des pratiques douteuses du ministère est nécessaire, elle ne peut faire l’impasse sur les responsabilités des acteurs politiques qui gravitent autour de ces décisions. La gestion du Conseil présidentiel et l’implication de ses membres dans ces nominations ne peuvent être ignorées. Loin d’être une victime des dysfonctionnements étatiques, Fritz Alphonse Jean s’inscrit dans une continuité où les failles administratives sont exploitées à des fins politiques sans véritable volonté de réforme.
La Rédaction