PNH : 30 ans au cœur de la tempête,bilan douloureux, contrasté, et profondément préoccupant

Le 12 juin 1995, le pays tournait une page historique avec l’inauguration officielle de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Née des cendres d’une armée dissoute et d’une volonté démocratique de rupture avec les pratiques autoritaires du passé, la PNH symbolisait un nouvel espoir : celui d’un État de droit capable de protéger ses citoyens, faire respecter la loi et instaurer un climat de confiance dans une société rongée par la violence et l’impunité.

Certes, il serait injuste de nier les sacrifices consentis par de nombreux policiers qui, souvent sans moyens adéquats, ont choisi de servir sous le drapeau. Des unités spécialisées ont été mises en place, des efforts de formation ont été faits avec le soutien international, et quelques résultats ponctuels ont été enregistrés dans la lutte contre certains réseaux criminels. Mais ces succès isolés pèsent peu face au chaos généralisé qui gangrène aujourd’hui l’institution.

En 2025, la PNH est à genoux. Débordée, infiltrée, parfois complice, elle peine à contenir l’expansion tentaculaire des gangs qui contrôlent plus de la moitié du territoire national. L’État perd du terrain chaque jour. Les commissariats ferment, les policiers fuient ou tombent sous les balles, les citoyens se résignent. La confiance est rompue. Le divorce entre la population et sa police semble consommé

La PNH a été laissée à elle-même. Instrumentalisée politiquement, affaiblie structurellement, vidée de sa colonne vertébrale éthique, elle est devenue l’ombre de ce qu’elle aurait dû être. Faute de vision à long terme, de réforme profonde, de volonté politique réelle, l’institution a dérivé. L’argent alloué a souvent disparu dans les méandres de la corruption. La formation a été négligée. La stratégie de sécurité nationale a été inexistante ou improvisée.

Et pourtant, il est encore temps. Car 30 ans, c’est aussi l’âge de la maturité. C’est le moment d’un sursaut,
La refondation de la PNH ne peut plus attendre. Elle doit passer par un investissement massif — en ressources, en encadrement, en technologie, en stratégie. Mais surtout, elle doit être guidée par une exigence absolue d’intégrité et de redevabilité. Aucun pays ne peut se reconstruire sans une force publique forte, respectée, mais aussi respectueuse des droits humains.

À l’heure où Haïti s’enfonce dans une crise multidimensionnelle, la renaissance de la PNH est une urgence nationale. Il ne s’agit plus de former une police pour faire illusion, mais une police pour faire nation.