
Plus d’un an après la signature de l’accord politique du 3 avril 2024, censé ouvrir la voie à une transition pacifique en Haïti, le collectif politique « 21 Décembre » monte au créneau. Dans une déclaration sans détour, ses membres dressent un constat alarmant : la transition est un échec cuisant, et le pays s’enfonce dans une crise systémique sans précédent.
Une transition qui n’a jamais pris forme
Les signataires de l’accord du 3 avril 2024 avaient promis un processus de stabilisation articulé autour de la sécurité, du redressement économique, de la justice, et de l’organisation des élections. Mais quatorze mois plus tard, aucune avancée significative n’est constatée. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qualifié de « plus dysfonctionnel que jamais », est accusé d’avoir saboté toute tentative de cohésion nationale, laissant place à l’ambition personnelle et à l’improvisation politique.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 1,3 million de déplacés internes, des zones entières contrôlées par des gangs, notamment dans l’Ouest, l’Artibonite et le Centre, où des familles fuient la terreur à Mirebalais ou à Saut d’Eau. Sur le plan économique, l’inflation atteint 26,8 %, le PIB chute de -36,3 %, et le pays est pris en étau entre l’asphyxie sécuritaire et l’effondrement économique.
Le collectif critique également le processus de réforme constitutionnelle en cours, initié par le Comité de pilotage de la Conférence Nationale. Selon le « 21 Décembre », les consultations ont été exclusives, bâclées, et menées sans transparence, risquant de creuser les lignes de fracture sociales. Il appelle à un véritable débat public, dans un climat de confiance, préalable à tout changement de Constitution.
La justice haïtienne est décrite comme quasiment à l’arrêt, ses institutions vidées de leur substance ou occupées par des groupes armés. Le « 21 Décembre » dénonce également une tentative larvée de dissocier la souveraineté de l’État de son contrôle effectif du territoire — une dérive jugée inacceptable.
Dans un dernier appel, le collectif exige la reprise immédiate des discussions entre acteurs haïtiens, la tenue d’une conférence nationale au plus tard le 17 juillet 2024, et l’organisation d’un référendum et d’élections crédibles avant février 2026. Il en appelle à la médiation de la communauté internationale et exhorte les leaders à faire preuve de courage patriotique, au nom du peuple haïtien.
Malgré un ton critique, le « 21 Décembre » ne ferme pas la porte au dialogue. Fidèle à ses engagements démocratiques, il appelle à une relance du processus de transition. Mais le message est clair : le temps n’est plus aux manœuvres politiciennes. Il s’agit désormais de sauver ce qui peut encore l’être.
Il faut rappeler,Le 21 décembre est à la base même de cette transition aujourd’hui en échec. Ce sont ses signataires et ses promoteurs qui ont porté sur les fonts baptismaux un processus désormais discrédité, en soutenant la mise en place d’un CPT qui s’est rapidement révélé incapable, divisé, opaque et sans légitimité populaire. En conséquence, le « 21 décembre » ne peut se contenter de dénoncer l’échec ; il doit aussi assumer sa part de responsabilité dans la crise actuelle. L’heure n’est plus aux demi-mesures ni aux manœuvres dilatoires : seule une rupture franche avec les logiques qui ont conduit à cet enlisement permettra d’ouvrir une véritable voie de sortie. Le peuple haïtien attend autre chose qu’un simple constat : il exige des comptes, des résultats et un profond renouvellement des pratiques politiques.