
Alors que le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) devrait incarner une solution temporaire à la crise haïtienne, il se révèle, jour après jour, être un microcosme des mêmes logiques délétères qui ont précipité l’effondrement de l’État haïtien. Derrière les communiqués de façade et les promesses d’unité, le CPT est miné de l’intérieur par des rivalités personnelles, des conflits d’intérêts, et des visions divergentes de la transition.
Le Conseil, censé fonctionner selon une logique collégiale, s’apparente de plus en plus à un champ de bataille politique. Certains conseillers multiplient les démarches parallèles, court-circuitant les décisions collectives. D’autres refusent ouvertement de signer des documents ou de participer aux réunions, invoquant des désaccords profonds avec la ligne prise par la présidence du CPT.
Selon plusieurs sources internes, les désaccords entre Fritz Alphonse Jean, président du Conseil, et certains membres influents tels que Smith Augustin,Louis Gérald Gilles, ou Emmanuel Vertilaire ont atteint un niveau critique. Au cœur des tensions : la gouvernance de la transition, la nomination des ministres, et surtout la feuille de route constitutionnelle.
Il ne s’agit pas simplement de divergences d’opinions : des clans se sont formés, avec des stratégies, des réseaux et des agendas différents. Certains veulent accélérer la rédaction d’une nouvelle constitution. D’autres militent pour des élections rapides, au risque de les organiser dans un vide sécuritaire. À cela s’ajoutent les influences externes de partis politiques, de groupes d’intérêt économiques, et même de certains partenaires internationaux qui parrainent discrètement tel ou tel camp.
La figure de Fritz Jean, intellectuel respecté mais peu rompu aux jeux de pouvoir, est de plus en plus remise en cause. Il est accusé par certains collègues de concentrer les décisions, de ne pas assez consulter, ou au contraire, d’hésiter à trancher. L’ambiguïté de son positionnement a fragilisé la confiance au sein de l’instance. La récente décision de rejeter l’avant-projet de constitution sans consultation formelle en est une illustration criante.
Si aucune médiation sérieuse n’est engagée rapidement au sein du Conseil, le risque d’implosion est réel. Et avec lui, celui d’un vide institutionnel encore plus dangereux pour le pays. La transition ne peut réussir sans un minimum de cohésion au sommet. Aujourd’hui, cette cohésion est rompue.
Dans un pays où la population vit dans l’angoisse permanente et la méfiance envers les élites, ce spectacle de désordre au sommet achève de discréditer toute perspective de sortie de crise. Si le CPT continue à s’enliser dans ses guerres intestines, il risque de devenir le fossoyeur de la transition qu’il prétend incarner.