L’Hôpital Universitaire de la Paix asphyxié : quand l’État laisse mourir les soins de santé

Situé à Delmas 33, l’Hôpital Universitaire de la Paix (HUP), l’un des derniers établissements de santé encore fonctionnels dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, est aujourd’hui à genoux. Ce centre hospitalier, qui accueille chaque jour des dizaines de patients venus des quatre coins de la capitale et de ses environs, est confronté à une crise énergétique qui menace directement la vie de ses malades.

Depuis environ deux semaines, l’établissement est plongé dans le noir à cause d’un black-out total. Cette coupure électrique n’est pas due à un problème technique isolé, mais à un acte de sabotage volontaire. Des habitants de Mirebalais, dans un geste de protestation contre l’insécurité chronique dans leur commune, ont mis hors service le Centrale Hydroélectrique de Péligre, principale source d’électricité pour plusieurs départements du pays. Ce geste de désespoir, destiné à faire pression sur l’État, a eu des conséquences dramatiques sur tout le système de santé.

L’Hôpital de la Paix, désormais privé d’électricité publique, fonctionne uniquement grâce à des générateurs. Une solution de survie extrêmement coûteuse. Selon le Dr Paul Junior Fontilus, Directeur Exécutif de l’hôpital, l’établissement est contraint de dépenser jusqu’à 600 000 gourdes tous les trois jours pour se procurer du carburant. Ce rythme de dépense est insoutenable pour une structure publique déjà en déficit chronique de ressources.

L’impact sur les soins est immédiat et brutal. Les unités de soins intensifs, les salles d’opération, les services d’imagerie médicale, la néonatalogie : tous ces services cruciaux dépendent de l’électricité. En son absence, les médecins doivent reporter des interventions, improviser des traitements ou, dans certains cas, laisser mourir des patients faute de moyens. Des vies sont perdues, non pas par manque de compétence, mais par manque d’énergie, dans tous les sens du terme.

Le personnel médical est exténué. Entre les longues heures de travail, les coupures incessantes, la peur de manquer de carburant, et l’impossibilité de planifier les soins, l’épuisement moral et physique gagne les équipes. Ils travaillent dans des conditions indignes, risquant leur santé et parfois leur sécurité, pour sauver ce qui peut encore l’être.

Mais ce drame ne concerne pas uniquement l’Hôpital de la Paix. Il est le miroir d’un effondrement plus large : celui de tout le système sanitaire haïtien. Ce qui se passe à Delmas se répète ailleurs, souvent dans le silence, parfois dans le sang. Les hôpitaux publics ferment les uns après les autres, les centres de santé manquent de tout, les médicaments sont rares, le personnel fuit ou abandonne. Et l’État, au lieu d’intervenir, se mure dans un silence glaçant.

Cette situation n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’une série de choix politiques, d’un abandon de responsabilité, d’une incapacité à gouverner dans l’intérêt du peuple. La santé ne peut plus être reléguée au second plan. Il ne s’agit plus seulement d’un problème de courant, mais d’un effondrement moral, social et institutionnel.

Si rien n’est fait, l’Hôpital de la Paix ne tiendra plus très longtemps. Et avec lui, c’est un pan entier de l’espoir haïtien qui s’éteindra. Il est urgent que les autorités prennent la mesure du désastre, qu’elles agissent, qu’elles assument enfin leur rôle. Car chaque jour de silence, chaque heure de retard, coûte des vies.