
Dans une note circulaire datée du 23 juillet 2025, l’Ambassade d’Haïti en République dominicaine a informé les fonctionnaires diplomatiques, consulaires et administratifs haïtiens d’une décision controversée émanant de l’Ambassade des États-Unis à Saint-Domingue. Celle-ci suspend l’octroi de visas B1/B2 à tous les ressortissants haïtiens, y compris les détenteurs de passeports diplomatiques, officiels et ordinaires.
La justification avancée par la représentation américaine s’appuie sur la nouvelle loi sur l’immigration et la nationalité des États-Unis, qui vise à protéger le territoire contre « les terroristes étrangers et autres menaces à la sécurité nationale ».
Haïti est ainsi explicitement inclus dans la liste des pays concernés par ces restrictions, sans que des preuves tangibles aient été rendues publiques. Cette décision intervient cependant quelques mois après que les États-Unis ont désigné Viv Ansanm et le groupe Gran Grif comme organisations terroristes.
Malgré cette désignation, les autorités haïtiennes n’ont pris aucune mesure concrète pour traquer les membres de ces groupes armés, renforçant l’idée d’une complicité ou d’un laxisme institutionnel. Depuis l’entrée en fonction du Conseil présidentiel de transition (CPT) en avril 2024, plusieurs territoires et communes du pays sont tombés sous le contrôle des gangs.
La récente décision américaine de qualifier les autorités haïtiennes de menace terroriste marque un tournant grave dans les relations bilatérales. Elle revient, de manière implicite, à associer la nationalité haïtienne à une présomption de dangerosité, sans distinction ni critère individuel.
Même les représentants officiels de l’État — notamment Fritz Jean, les huit autres membres du CPT, Alix Didier Fils-Aimé (ministre des Affaires étrangères) et l’ensemble du gouvernement — sont directement visés par cette mesure. Sont également concernés leurs alliés dans la presse — journalistes, patrons de médias — dans les milieux des droits humains, des hommes d’affaires, des proches, ainsi que les membres de leurs familles voyageant avec les officiels.
Ce traitement indifférencié, imputé au comportement des dirigeants, constitue une criminalisation implicite d’un peuple et de ses institutions. Il établit un amalgame entre la crise politique et sécuritaire d’Haïti et le terrorisme international, sans distinction entre citoyens, responsables politiques ou diplomates.
Une telle généralisation est rare dans le langage diplomatique contemporain et traduit une position politique forte.
À travers cette suspension, les États-Unis envoient un signal clair : les autorités en place à Port-au-Prince ne sont plus perçues comme des interlocuteurs fiables ou sécurisés. Cette décision remet en cause la légitimité et le statut diplomatique du gouvernement de transition, à un moment où celui-ci tente de regagner la confiance de la communauté internationale.
Pour de nombreux observateurs, cette posture traduit une rupture politique avec des autorités jugées incapables de contenir la violence et l’influence des gangs. En agissant ainsi, l’administration Trump accroît la pression sur les dirigeants haïtiens, tout en exposant la population à une stigmatisation croissante sur la scène internationale.
Cette mesure soulève de vives inquiétudes quant à l’avenir des relations bilatérales. Alors que la coopération sécuritaire, migratoire et humanitaire demeure essentielle, le traitement généralisé et suspicieux des ressortissants haïtiens risque d’aggraver leur isolement et d’alimenter un sentiment d’humiliation nationale.
La Rédaction